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Fragments — textes & images

20 Mai 2025

Hijab de verre

Elle est là.
Voilée.
Non pas de silence,
Mais d’ongles sculptés et de filtres violets.

L’abaya glisse jusqu’au béton,
Promesse de pudeur.
Mais ses gestes trahissent l’écran,
Doigts habiles, lèvres pincées,
Angles maîtrisés, hashtags répétés.

Hijab, tu devais être barrière.
Modestie.
Présence discrète au monde.
Pas ce voile retourné,
Écran d’ombres et de selfies.

Que reste-t-il du verset,
Lorsque les regards sont convoqués ?
Lorsque la lumière ne vient plus d’en haut,
Mais d’un téléphone qui éclaire le visage
Pour mieux s’y exposer ?

Le Prophète,
Parlait de droiture,
De retrait,
De simplicité.

Et là,
Sur ce banc,
La contradiction est assise.
Beauté voilée,
Captive du miroir numérique.

Elle ne s’adresse plus à Dieu,
Mais à l’algorithme.

Et l’abaya,
De tissu sacré,
Devient costume.

Face à la mer

8 Mai 2025

Fixe

Fixe

Le poing est fermé.
Pas levé.
Pas tendu.
Pas vivant.
Mais fermé comme une porte qu’on claque,
comme une gorge qui refuse encore de hurler.

Il serre — non plus pour résister,
mais pour contenir.
Contenir ce qui déborde,
ce qui griffe,
ce qui cogne sans fin dans les os.

La veine connaît le chemin.
La seringue entre droit,
comme un souvenir trop familier.
Le sang monte.
L’héroïne descend.
Et quelque part au milieu :
l’oubli.

Le bras cette carte usée,
territoire abandonné.
N’est plus zone de combat.
Mais juste un passage.
Un glissement vers ce lieu sans contour,
où rien ne fait plus mal.

Rien ne vibre.
Pas un cri, pas une plainte.
Seulement ce silence épais
qu’on perce à l’aiguille,
goûte à goûte,
comme ce fil d’Ariane qu’on suit dans le noir
en espérant ne jamais lâcher.

La lumière est là,
froide, crue, blafarde,
chirurgicale.
Elle découpe les gestes,
les tendons, les crasses, les absences.
Elle ne pardonne rien.
Elle montre tout.

Je l’ai vu faire.
Pas pour la première fois.
Il n’hésitait plus.
Il ne priait plus.
Il appuyait. Lentement.
Comme on referme une paupière, un livre.
Ou une vie.

J’ai pensé à sa mère.
À un prénom oublié.
À un rire d’avant.
Puis j’ai cessé.

Parce qu’ici,
il n’y a pas d’histoires.
Pas de morale.
Pas de fin.
Seulement ces corps qui se replient,
ces gestes sans mot,
ces silences qu’on enterre
dans la pierre froide des trottoirs.

Et ce poing.
Fermé.
Tourné vers le sol.
N’accuse plus.
Ne lutte plus,
Ne frappe plus,

Mais comme un dernier aveu.
S’entrouvre comme
Un dernier adieu.

25 Avril 2025

Face à la mer

Elle marche lentement,
Là où la terre s'efface,
Au bord du monde,
Entre écume et silence.

La mer murmure des secrets,
Le vent glisse sur son visage,
Chaque vague emporte un regret,
Chaque pas trace un mirage.

Le regard fixé vers l'horizon,
Elle attend ce qui ne vient pas,
Entre doute et abandon,
Sous un ciel bas.

Ses pensées naviguent, fragiles,
Comme un bateau sans amarres,
Son cœur tremble immobile,
Face à l'infini, rare.

Et si la mer pouvait répondre,
À ses questions muettes,
Peut-être saurait-elle confondre,
L’espoir et la défaite.

Mais elle reste là, debout,
Fière et pourtant si frêle,
Elle écoute battre en elle,
Le rythme doux des remous.

Au bord du monde, à découvert,
Elle cherche en silence un repère,
C’est ainsi que tout s’éclaire,
Face à la mer.

Face à la mer

14 Mars 2025

Dernier banc, dernière lueur

Dernier banc, dernière lueur

Il marche lentement, l’échine ployée,
Sous la nef vaste où le silence s’attarde.
Ses pas glissent entre les piliers muets,
Là où les âmes viennent poser leurs fardeaux.

Ils ont tout dit,
Dans l’ombre du bois poli,
Le souffle tremblant,
Les fautes anciennes, les désirs tus.
Et lui, vieux mur,
A tout reçu.

Il ne parle plus,
Ses lèvres sèchent,
Ses yeux usés fixent les cierges
Qui s’éteignent un à un.
Il porte en lui mille soupirs,
Mille absences,
Des colères en haillons
Et des pardons arrachés à la boue.

Il sait que Dieu ne répond pas toujours.
Mais il reste là,
Sentinelle d’un feu discret,
Gardien d’un seuil qu’on traverse à genoux.
La pierre le connaît,
Elle a entendu ses prières muettes,
Ses doutes en silence.

Ce soir encore,
Il referme les portes derrière les âmes,
Laisse leurs voix tourner
Sous la voûte creuse.
Puis il s’assied,
Et ferme les yeux,
Offrant sa fatigue
À Celui qu’on ne voit jamais.

10 février 2025

Cris de Cendres

Les casques claquent sous les néons,
Les bottes cognent, martèlent le sol,
Une symphonie de guerre urbaine,
Rythmée par le cri des matraques.

Les ombres avancent, horde sans nom,
Blindée, calcinée de rage froide,
Leurs visages noyés sous le plexiglas,
Sans regard, sans voix, sans âme.

Les rues hurlent, suffoquent sous la cendre,
La fumée s’étire, dévore l’air,
Chaque souffle est un compte à rebours,
Chaque pas, une menace en suspens.

Là, au centre du chaos figé,
Le silence d’un ordre en uniforme,
L’immobilité avant la fracture,
L’acier avant la tempête.

Et puis—
L’impact,
Le bitume explose sous la colère,
Les corps valsent, fauchés net,

Les chairs s’écrasent,
Les cris se brisent contre les boucliers.
Il n’y a plus d’homme,
Plus de nom,

Plus d’histoire.
Seulement la ville,
Qui recrache sa violence,
Et la nuit qui avale tout.

Cri-des-cendres

28 Janvier 2025

Spectre urbain

Spectre urbain

Dans l’angle froid des nuits bétonnées,
Sous la toile déchirée d’un ciel muet,
Il vacille, brisé,
Prisonnier des chaînes qu’on lui a tressées.

Ses bras enlaçaient, figés dans leurs gestes,
Étouffant la folie qui le ronge.
Le béton suinte, témoin funeste,
De rêves noyés dans des marées d’éponges.

Le vent s’étrangle en cris étouffés,
Échos d’une ville broyant ses damnés.
Cette camisole tissée de silences
Nous enfouit dans une danse d’absence.

Son visage vacille, s’efface en échos,
Un cri étiré sous des cieux trop hauts.
Les grilles se figent, étouffant l’espace,
Le poids des ombres ronge leurs carcasses.

Et pourtant, dans l’ombre d’un soupir,
Une lumière tremble, hésite à s’éteindre.
Est-ce un espoir, fragile et impur,
Ou l’éclat d’un piège prêt à contraindre ?

Ainsi, l’Homme, reflet d’une cité brisée,
porte en lui la folie d’un monde usé.
Une question demeure, froide et acerbe :
Est-il l’enfant des rues, ou leur verbe ?

5 Janvier 2025

Brume

Sous le voile d’une brume envoûtante,
Les réverbères, âmes tristes, vacillantes,
Chantent leurs hymnes aux étoiles fanées,
Et dessinent des ombres, amours condamnées.

Un pas furtif glisse, discret, incertain,
Dans le souffle glacé de l’obscur matin,
Une silhouette avance, écho dans la nuit,
Vers l’oubli de l’aurore, aux rêves enfuis.

Les lampadaires pleurent leurs larmes dorées,
Des perles de lumière, en gouttes figées,
Le vent recueille ces murmures éthérés,
Les emporte au loin, dans des cieux effacés.

Tout ici se tait, se perd dans le soupir,
Les pavés frissonnent sous l’écho du plaisir,
La brume enlace, cache les cicatrices,
Le silence complice embrasse le solstice.

Dans ce rêve flou, l’ombre danse et s’efface,
Fragile silhouette fugace,
Et la solitude, douce comme une prière,
Berce le pas de cet errant solitaire.

Brume

27 Décembre 2024

Léa

Léa

Léa traçait ses rêves à la bombe,
Sur les murs gris d’un monde qui tombe.
Ses doigts tremblaient, tachés de poudre,
Ses veines, routes où l'ombre s’engouffre.

Elle aimait l’héroïne, sa douce prison,
P oison lent, faux frisson.
Dans l’acier froid de son regard,
Une guerre sourde, un cri blafard.

Assise là, sur les rails du néant,
Elle repeignait la nuit d’un geste tremblant.
Chaque jet de peinture, une délivrance,
Un appel brut à l'existence.

Son âme brûlait dans un souffle court,
Entre le néant et l’appel du jour.
Une lutte sourde, un feu éteint,
Mais une étoile brille dans le lointain.

Léa, funambule des nuits fauves,
Cherchait l’azur dans les cendres mauves.
Elle n'était pas qu'une ombre en errance,
Mais une flamme en résistance.

5 Décembre 2024

Nocturne

Là où les ombres murmurent,
La nuit déploie ses instants fragiles,
Tandis que les heures glissent,
Figées dans un temps suspendu.
Ici, l’attente n’est qu’une respiration discrète,
Un silence… sacré.

Sous l’enseigne vacillante,
Des rêves se mêlent à la moiteur de l’été.
Les pensées errent, et vagabondent dans la pudeur de l’obscurité.
Des silhouettes, fragments d’histoires oubliées,
Murmurent dans la vapeur des lampadaires.
Ici, le temps s’efface,
Chaque seconde devient un écho assourdi,
Un battement perdu dans l'ombre mouvante de la ville.

Les battements sourds du cœur de la nuit,
Lents et lourds marquent la cadence invisible de cette symphonie de la nuit.
Les ombres dansent et vibrent dans cet instant fragile,
Laissant nos songes s’échapper au-dessus des pavés.

Portés par les âmes errantes,
Se racontent des histoires,
Des chemins oubliés et des amours égarés…
Des histoires qu'on murmure,
Sans jamais vraiment les oublier.

Nocturne

22 Novembre 2024

Instant

Bobi et Snow

Dans l’ombre d’une chambre où le silence résonne,
Deux regards se croisent, dans un monde qui détonne,
Bobi et Snow, liés dans ce refuge délavé
Est un havre de solitude, un espace oublié.

Assis dans l’attente, moment suspendu,
Chacun dans ses pensées, le regard perdu,
Des mains qui tremblent, des gestes mesurés,
Cherchant des réponses dans un monde fissuré.

La lumière est pâle, sans chaleur à offrir,
Elle effleure les visages, sans pouvoir les ravir,
Parmi ces objets, témoins d'un hier effacé,
Un sac, une canette, des espoirs dispersés.

Le poids des jours s’imprime dans leurs yeux,
Entre la fatigue et l’écho d’un adieu,
Chacun porte en lui son fardeau silencieux,
Dans cet abri fragile, loin des regards curieux.

Et pourtant, quelque chose vibre dans l’air,
Une étincelle, un murmure, un éclat sincère,
Peut-être un lien, invisible mais fort,
Qui unit ces vies, ces instants qu’ils abordent.

Dans ce monde réduit à des murs trop étroits,
Ils existent, résistants, dans l’ombre de la loi,
Tissant des histoires que personne ne voit,
Mais qui, ici, brillent d’une lumière de foi.

11 Novembre 2024

Inaya

Sous le halo blafard des lampadaires, elle avance, isolée, comme un éclat d’humanité perdu dans les marges d’une ville endormie. Fragment d’un monde que trop de regards évitent, elle porte en elle l’écho de la nuit, ce murmure profond et secret des vies qui se glissent dans les ombres, se frayant un passage dans un espace où elles échappent aux regards, à l’évaluation, au jugement. Elle est là, tangible, et pourtant, aux yeux d’une société qui préfère détourner le regard, elle demeure une invisible.

Cette photographie, bien que détachée du projet "1-Différence", en capte néanmoins l’essence, avec une brutalité honnête et une sincérité désarmante. Elle interpelle, grattant doucement la surface de nos préjugés, de notre indifférence accumulée. Elle impose un face-à-face avec une réalité que l’on préfère souvent contourner.

Dans son avancée, elle semble incarner tous ceux que l’on croise sans jamais vraiment voir. Cette démarche lente, presque résignée, dit tout des histoires que l’on tait, des vies que l’on esquive. Elle est l’étrangère familière, celle dont l’existence met en lumière notre propre confort, notre inclination à détourner les yeux de ce qui dérange, de ce qui n’entre pas dans nos cadres rassurants.

Ici, sous le regard de l’objectif, elle retrouve une forme de visibilité. Sa présence, imposante dans sa fragilité, défie nos filtres et nos fuites. Ce n’est pas seulement une silhouette ; c’est une présence, une vie qui, pour un instant, impose son droit d’exister pleinement, loin des stéréotypes et des clichés simplistes.

Inaya

04 Octobre 2024

Ne dis mots

Dans l’ombre où l’on se tait,
Les murmures s’effacent, les vies se taisent,
Sous le voile discret d’un monde secret,
Où les âmes se perdent, où tout se pèse.

Un bhang repose, solitaire et las,
Compagnon silencieux des ombres qui passent,
Il parle des nuits d’où l’on ne revient pas,
Des instants brûlants que l’aube efface.

Ne dis mots, sur les mégots abandonnés,
Cendres d’une vie, fumée, dispersée,
Sous les pavés froids, où l’espoir s'est glissé,
Dans le creux des silences, des cœurs effacés.

Une paille, fragile, s’accroche au vertige,
Déjà lointaine, elle court dans l’oubli,
Mais sous l’apparente folie, se fige
En quête d’un moment d’infini.

Ne dis mots, tout est dit dans le geste,
Les objets, témoins sans détour,
D’un cri étouffé, d’une étreinte funeste,
Sous la brume d’un rêve, perdu pour toujours.

Alors ne dis mots, et laisse la rue s’éteindre,
Laisse la nuit recueillir ses enfants,
Car dans chaque silence, un autre les rejoindre,
Chaque soupir, une histoire qui s’étend.

Drogue

03 Septembre 2024

Instant

Instants

Moments fragiles
Éclats de vie volatiles
Portés par le vent
Tous disparaîtront.

Instants mêlés
Récits oubliés
Flottant, éphémères
Se perdant dans l’instant.

Parfum des jours passagers
Fragments passés
Légers comme la brume
Portés par le vent

Souvenirs passés
Nos années aimées
Qu’est-ce que l’on en retient
Tous disparaîtront.

Un instant qui se retient
Capté dans l’ombre des chemins
Poussières de nos mémoires
Ces souvenirs qui nous emporteront.